Travailler dans la Salle Commune de Poudlard n’avait rien dit à Elle aujourd’hui aussi était-elle venue poser ses petites fesses dans la Salle Commune générale et lisait-elle cette autobiographie de Rupert Surbridge, un Auror émérite à la retraite qui livrait tous les détails de sa formation et de sa carrière. Une source d’inspiration pour la jeune fille qui était bien décidée à ne pas baisser les bras, contrairement à son premier ressenti après la nuit des Loups. Elle n’y pouvait rien, après tout, si elle n’était encore qu’une étudiante, il fallait qu’elle apprenne et un jour, elle serait capable de casser la figure à un loup-garou qui s’en retournerait couiner chez sa mère comme un vil et lâche Prince Jean. Tapant de son petit poing sur sa cuisse, fière de sa résolution, elle reprit le chapitre sur l’arrestation de pas moins de cinq mages noirs à lui tout seul, relaté par son nouveau héros et modèle. Il n’en fallait pas beaucoup pour mériter l’admiration d’Elle, certes, en quête de la personne qui pourrait lui expliquer au mieux qui elle pourrait devenir. Elle n’avait pas revu Arizona, son mentor attitré depuis la fameuse nuit mais avait un peu honte de devoir lui avouer qu’elle s’était cachée avec son meilleur ami et n’avait rien tenté. Certes, elle aurait sans doute servi d’apéritif en mode mini roulé à la saucisse pour la bestiole, mais quand même. Elle ne parvenait pas à se pardonner totalement malgré la certitude absolue que ça avait été la meilleure chose à faire, après réflexion. Et puis, aux vues de ce qui s’était passé …

Avant qu’elle ne rouvre le chapitre « oh mon Roi Richard, qu’ai-je fait ? », une petite apparition la tira de ses pensées et elle lui offrit un sourire radieux quand elle l’interpela. Lucila ! Je suis contente de te voir, ça fait longtemps ! Tu as passé de bonnes vacances ?! Elle parlait à toute vitesse et en aurait presque sautillé sur son bout de canapé. Retrouver une amie était exactement ce dont elle avait besoin … ou pas. Parce qu’évidemment le sujet dériva sur leur passe-temps préféré : observer les couples. Elle jeta un coup d’œil à ceux que lui montrait la Yolihuani et eut un flash, visualisant Finn et elle-même à leur place. Elle déglutit avec beaucoup de difficultés et chassa cette image de son esprit le plus rapidement possible pour tenter de sourire : Oui, on dirait qu’ils ne se sont pas vus de tout l’été, ce qui est sans doute vrai ! Et elle n’avait pas vu Finn de tout l’été. Ni Timy. Elle était simplement en manque d’affection, voilà tout. Elle pinça ses lèvres avant de se rendre compte qu’elle n’avait pas été à la hauteur pour tromper le regard de Lucila, elle haussa les épaules en secouant la tête, souriant : Non, ça va, je t’assure, y a rien, enfin, rien de grave ! Elle savait très bien que son amie ne lâcherait pas aussi facilement mais elle n’était pas sûre de vouloir en parler. Après tout, elle ne l’avait dit à personne et l’enfouir était bien plus facile que de le dire à voix haute. Après tout, ça n’avait été qu’une monumentale erreur, même si elle avait apprécié le moment. Petit Jean était Petit Jean, Robin était Robin, si elle commençait à s’emmêler les pinceaux dans sa propre histoire, on n’était pas sortis. Elle tenta de faire diversion en montrant un autre couple du doigt : Ceux-là ont l’air en pleine explication … Je l’ai vu regarder Terry, tu sais, la fille de Salem avec les superbes cheveux bouclés. Je pense que ça ne va plus durer longtemps entre eux. Et entre Finn et elle, est-ce que cela allait durer, cette situation ? Est-ce que ça pourrait durer entre eux … ? Il ne fallait pas qu’elle pense à ça. Mais elle n’était définitivement pas dans le mouvement et il était lair que Lucila allait forcément chercher à comprendre. Peut-être faudrait-il qu’elle en parle ? Pas à Willow, qui se retrouverait au milieu des deux, mais la Yolihuani était extérieure à l’histoire … Elle se mordillait les lèvres en jouant avec son livre, indécise.

Il fallait qu’elle se mette le pied aux fesses, nom d’un Persiffleur ! La vie ne s’était pas arrêtée pour elle, ni pour aucun de ses amis pendant la fameuse nuit, ainsi que Lucila le lui rappela, alors il était temps de se remuer ! Ce n’était pas aisé au final, mais elle en avait marre de ressasser cette fameuse nuit, ce n’était pas son genre du tout ! Ca a été ! ça a été … Pas vraiment en réalité, il y avait eu cet homme qui avait débarqué au pub (son oncle, cette bonne blague, qui venait en émissaire de la part de sa mère savoir si elle s’était fait dévorer ou non, comme si après dix-neuf ans d’absence elle en avait réellement quelque chose à faire), il y avait eu Finn qui n’avait pas répondu, il y avait eu Timy qui n’était pas là … Les hommes, tous des plaies ! Et pourtant on l’avait éduquée en pensant que c’était plus le rayon des femmes. Mais elle n’avait pas l’intention de déballer tout ça à son amie : Y a eu pas mal de touristes donc j’ai passé mon temps au pub, à aider ! C’était sympa, j’ai rencontré plein de monde ! Voir le bon côté des choses était la spécialité de la jeune Hyatt et effectivement, elle avait croisé quelques personnes intéressantes avec lesquelles elle avait passé des soirées sympas, l’aidant à se détacher des événements de la fin de l’année. Alors pourquoi se plaindre ? Autant se détacher et prendre les choses du bon côté. Et une partie de « regardons les couples » avec Lucila ne pouvait que lui faire du bien. Évidemment.

Elle haussa les épaules en voyant les deux qui se regardaient dans le blanc des yeux. Terry était très jolie, effectivement, le genre de filles sur lesquelles tous les garçons se retournaient. Le genre qu’elle avait longtemps espionné en se demandant laquelle était celle pour laquelle Finn en pinçait. Ouais. Laisser ça là où c’était : S’il l’a trompée avec elle, c’est vraiment un gros nul. Elle n’est jamais restée avec un garçon très longtemps et elle n’a rien de « mignon », pas le genre conte de fées que eux ils avaient. Je trouve ça dommage, conclut-elle avec une petite moue, posant son menton sur ses genoux qu’elle avait ramené contre elle. Ça craignait, comme histoire, la poésie ça avait toujours été son truc, ainsi que les films à l’eau de rose dont elle s’était gavé tout l’été en mangeant des chocolats et en poussant de grands soupirs. Apparemment ça n’existait vraiment pas dans la réalité, ce genre de choses, même si elle espérait très fort se tromper sur ce point. Elle voulait son prince charmant, elle aussi, même si Robin et Petit Jean étaient de gros cons. D’ailleurs, puisqu’on en parlait … les paroles de Lucila la prirent par surprise et elle passa quelques secondes à fixer le vide d’un air tout sauf intelligent en se mordillant la lèvre. Finn. Autant commencer par les choses simples et auxquelles elle pouvait répondre facilement. Après le reste … Elle haussa les épaules de nouveau, parfaite imitation de Louis, éternel célibataire, que son père et ses amis adoraient cuisiner quand il avait une nouvelle conquête. Y a rien, j’t’assure, il fait juste la gueule et ça m’énerve, j’ai l’impression qu’on a quatre ans. Après tout, ils s’étaient juste embrassés, il n’y avait pas de quoi écrire à la famille ! Ils ne l’avaient pas fait quand ils avaient couché ensemble, il y avait déjà quelques années de ça, alors pour ça, très franchement … Elle se mit à gratter son jean d’un air songeur, sans regarder Lucila. Elle savait très bien que sinon elle allait craquer et raconter, et il ne fallait pas. Ça voudrait dire que cela signifiait quelque chose et ça allait compliquer les choses. Pour l’instant, c’était simple, Finn la boudait. Une histoire de gamins, elle pouvait gérer. C’est depuis cette nuit, on était ensemble et … et voilà, quoi, et depuis il m’évite. Mais ça lui passera, hein ? Elle n’avait pas voulu que la fin de la phrase sonne comme une question et pourtant, sa voix avait monté, en tremblant un peu, légèrement aigue. Ok, ce con lui manquait, elle n’y pouvait rien. Il fallait juste qu’il accepte de se calmer et qu’il … fasse comme elle, comme si rien ne s’était passé, comme s’ils ne s’étaient pas embrassés. C’était faisable, non ? Elle espérait que Lucila n’allait pas perdre patience, ce n’était pas contre elle après tout, c’était juste qu’elle était comme ça. Et qu’elle était donc du genre à avoir de superbes œillères et à se battre pour les garder.

A l’analyse par Lucila de ses vacances, Elle se retourna vers la Yolihuani en fronçant le style d’un air comiquement surpris. Oui, c’était exactement ça. Elle finit par siffler comme son père l’aurait fait à un jeu de mots particulièrement sale et laissa échapper : Eh bah ! Tu es voyante ou un truc du style, non ? Parfois, on pouvait se poser des questions et la fantasque Miss Hyatt n’était évidemment pas sans le faire, et échafauder des théories sans queue ni tête. Il fallait dire aussi que l’Anglaise pouvait aisément être cataloguée dans le registre « aucune capacité émotionnelle » ou encore « handicapée chronique des sentiments » alors ça n’aidait pas vraiment. Faire preuve d’empathie ou deviner les émotions des autres n’étaient pas franchement dans ses cordes. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle était insensible, bien au contraire ! Elle faisait de son mieux pour ne pas mettre les deux pieds dans le plat mais par contre, deviner ce qui rendait untel songeur ou unetelle triste était une autre paire de manches … celles de Lucila, apparemment. Elle lui emprunterait bien sa veste, un jour, pour voir ce que ça faisait, mais la lui rendrait sans doute bien vite, c’était pas tellement son rayon, tout ça. Elle se contenta donc de soupirer en chœur sur la fin de ce petit couple bien sympathique (ça, au final, elle savait analyser à peu près, mais c’était une combinaison habile de films niais du genre et de l’expérience de son amie qui l’avaient rendue réceptive aux détails de ce type). L’Anglaise opina du chef au commentaire de Lucila et glissa un petit : Dix contre un qu’il s’en mord les doigts avant la fin de la semaine ! Parce que délaisser un conte de fées pour le plaisir charnel, c’était quand même bien stupide ! Et en parlant de stupide … elle fut sidérée par le long monologue de la Yoli et se concentra sur ses orteils pour éviter de montrer à quel point elle avait visé juste. Elle haussa les épaules avec une moue de gamine tout en faisant jouer ses doigts de pied. Apparemment pas. Mais il est con, ça lui avait rien fait qu’on couche ensemble y a quoi, quatre ans, et là il me tire la gueule pour un tout petit bisou de rien du tout ? C’est n’importe quoi ! Vous connaissez l’aveuglement et la mauvaise foi incarnée ? Eh bien c’est Elle Hyatt, en personne pour vous servir. J’sais pas moi, comment il est avec les filles, il a jamais été avec une fille ! Parce que … Parce qu’il était amoureux de sa mystérieuse donzelle dont il n’avait jamais voulu lui parler. Elle se mordilla la lèvre, soudain embêtée. Laisse tomber. Il joue au con, ça va lui passer. Il fait sa mauvaise tête, là, avec ses histoires de Robin et de Petit Jean. Encore un truc clair comme du jus de boudin, mais elle n’avait pas vraiment envie de s’étendre sur le chapitre, même si le cupidon en herbe à ses côtés faisait de gros efforts pour la persuader de son confier. Ça ne servait à rien, ils s’étaient embrassés sur le coup, comme ça, ils s’engueulaient, ils avaient peur, il n’y avait pas de quoi écrire à la famille. Et puis il avait refusé de coucher avec elle à la soirée d’avant, alors zut ! Il est trop compliqué ce mec, une vraie fille ! conclut-elle d’un air mauvais avant de balayer le sujet d’un mouvement de cheveux et d’un immense sourire : Bon, et toi, alors ? A force d’observer, comment ça se fait que tu n’aies pas encore un prince charmant pendu à ton cou ? Quoi, c’était vrai ! Elle était super douée pour donner des conseils aux autres, alors c’était étonnant qu’ils ne s’appliquent pas pour elle ! Et Elle était curieuse de savoir comment cela était possible.