Et voilà, retour à la case départ. J'avais gagné des vêtements propres et une nuit dont je ne révélerais pas les secrets tout de suite. Mais quoiqu'il se soit passé, au lieu d'être empli d'une reconnaissance éternelle, sentiment qui ne m'avait pas encore atteint de toute évidence, je me traînais. Quand tu redescends à la mine après quelques heures épargné, tu te reprends toute l'odeur en pleine tronche. Peu appétissant je vous le dis ! J'ai mis du temps à m'y réhabituer. Oneyra était partie de son côté me laissant à un boulot certes moins contraignant que celui que j'avais encore à accomplir la veille mais peu motivant pour autant. Oui, voilà ce qui me manquait pour agrémenter ma journée. Faut dire qu'elle m'avait donné une consigne peu glorieuse : ne parler à personne à moins d'y être autorisé. Et après elle me jetait dans l'arène ? C'est comme enfermer un gosse devant une montagne de bonbons et lui dire qu'il a pas le droit d'y toucher. Cruel. J'ai passé une première heure au réfectoire et j'avoue que voir les regards vides, les joues creusées, la haine palpable dans la tension nerveuse me fit un peu relativiser. L'hygiène n'étant pas vraiment au rendez-vous, le nettoyage fut vite fait. Un autre avantage que je devais quand même reconnaître dans ma mauvaise foi passagère, c'est qu'alors que les autres avaient le fouet prêt à frapper à quelques centimètres de leur dos, moi j'étais tranquille, tout comme elle me l'avait promis. Il y a pas dire, leur organisation, ça fonctionnait pas si mal. Un peu trop tranquille même, si vous voulez mon avis. J'étais complètement transparent et j'arrivais pas à m'en réjouir. Je suis difficile hein ? C'était quand même mieux comme ça, non ? Alors que mes pas me ramènent à la mine, suivant d'autres esclaves ayant le droit au même honneur que moi, je cherche la jolie brune du regard, en vain. On a toujours besoin d'exister pour quelqu'un pas vrai ? Même si le contexte n'est pas glorieux. C'est alors que sur ce genre de coup de tête, je décide de redorer un peu ma journée, tant pis si ça finissait mal, au moins j'aurais eu ma petite satisfaction. Mon regard tombe sur une grande silhouette blonde troublante, au corps frêle et à la poitrine volumineuse, le visage ruisselant de larmes. Arrivée récente sûrement, parce qu'elle était propre malgré le sang traînant sur ses vêtements pas encore déchirés. Mais comment l'approcher pour de vrai ? Elle était à la pioche... Une révolte individuelle attirant le regard et l'attention des gardiens me donne une occasion unique d'agir sur un coup de tête. Je parcours les quelques pas qui nous séparent, lui attrape le bras, lui fait lâcher ses outils et l'entraîne avec moi à la suite de notre petit groupe en l'encourageant du regard pour qu'elle puisse me faire confiance. Petit sauvetage mais qui lui permettrait une tâche plus simple. Vu son état, je suis sûr que ça pouvait passer, ils avaient quand même pas des détecteurs partout. Je lâche alors sa main en lui parlant en anglais, avec un petit sourire furtif pour la discrétion en prime. J'avais tenté l'anglais plutôt que le croate parce que j'avais remarqué durant mon passage en cellule qu'il y avait beaucoup d'étrangers et qu'on savait jamais trop d'où venaient les autres alors, l'anglais restait souvent le moyen le plus simple de se faire comprendre et heureusement pour moi, je me dépatouillais dans la langue pour avoir souvent fait affaire avec des étrangers, l'ayant été moi même en Italie d'ailleurs. Bref.

- Reste près de moi.

Fallait espérer que ce petit échange passerait inaperçu, sinon, le résultat pour elle et peut être aussi pour moi, serait probablement peu joyeux et surtout inefficace. Alors qu'on s'éloignait doucement, j'avais bon espoir et lui souri plus franchement. Sous les conseils d'Oneyra, j'avais donc été plutôt relégué à l'espace cuisine mais, comme les pauvres esclaves bossaient dur depuis déjà un bout de temps, les plus sages d'entre eux avait le droit à un petit fond d'eau avant qu'on soit renvoyé pour préparer l'espèce de bouillie infâme qu'ils servaient à peu près à chaque repas. Le minimum vital pour pas qu'ils crèvent tous de fin et de soif disons. Voilà donc en quoi constituait la tâche dans laquelle j'avais entraîné sans lui demander son avis la jolie blonde à forte poitrine. Faut reconnaître que ce détail jouait beaucoup en faveur d'une appartenance à l'autre sexe, d'où la confusion de la plupart des gens sans doute... Je fais signe à ma voisine donc de m'aider à porter l'eau qu'on traîne un peu plus loin pour commencer à la servir sous la surveillance d'autres gardiens. Je profite alors d'avoir la tête en bas pour attraper l'eau pour tenter de démarrer la conversation. Et tant pis si j'ai pas l'autorisation, ça tombe ça valait pas pour les esclaves, non ? Puis en relevant le regard, j'offre un petit sourire à celui qui s'approche, dégoulinant de sueur et de sang mêlé tout en lui tendant les quelques centilitres auxquels il avait droit. C'était pas juste mais mes mains aussi étaient pleines de cloques de la veille, fallait espérer qu'il reste pas trop longtemps dans les mines et je comptais pas m’apitoyer sur le sort de chacun sinon j'avais pas fini. Je préférais me centrer sur ma voisine, à qui je tends d'ailleurs la deuxième tasse pour qu'elle fasse de même, deux courtes files se positionnant devant nous.

- Tiens, fais la même chose que moi et ne regarde pas autour. Comment tu t'appelles ?

J'avais pas encore entendu le son de sa voix alors j'ignorais totalement si elle avait compris la première fois. Mais j'imaginais que tout le monde pouvait plus ou moins comprendre ma dernière question... en plus si ça tombe, elle était croate.