Docilement, tandis que le soleil s'était progressivement laissé couler derrière l'horizon, Andrea s'était laissée traîner jusqu'à l'île marchande. Docilement n'était peut-être pas le terme le plus approprié. Il faut dire qu'elle n'avait cessé d'émettre des objections aux idées exposées par Moïra tout au long de la journée. Chaque rencontre était prétexte à un nouveau mouvement de protestation.
▬ J'ai du travail, ce soir, Moïra. avait vaguement argué la Brésilienne au petit matin, comme s'il s'agissait d'un scoop.
Considérant qu'elle travaillait h24 et que de toute façon Andrea redoublerait d'énergie le lendemain pour rattraper un retard fictif, l'argument premier n'avait rencontré qu'indifférence et contre-argument imbattable. Evidemment. Elle avait essayé et on ne pourrait pas dire qu'elle n'avait pas vaillamment combattu. L'honneur était sauf. A l'excuse du travail avait succédé celle de la fatigue extrême, du rhume presque simulé. Autant dire que la Brésilienne était prête à à peu près toutes les bassesses pour échapper au projet sortie du moment, quitte à mettre son orgueil de côté. Elle pouvait bien consentir à sacrifier un pan de dignité lorsqu'il s'agissait de sauver l'intégralité de sa personne.
▬ Je crois que j'ai attrapé froid... S'était-elle aventurée à lâcher plus tard, sans conviction.
Sérieusement, qui allait avaler ça, à part un débile comme Dashwood ou Kent ? Andrea elle-même n'y croyait pas. C'était ridicule, stupide et médiocre. Faiblesse de l'argument et faiblesse tout court... Non, ça ne marchait pas. Les épaules de l'adolescente s'étaient brièvement affaissées.
▬ Oublie ça. Laissa-t-elle tomber, lasse de lutter.
Physiquement, elle ne résisterait pas, ce n'était ni dans ses habitudes, ni inscrit dans son éducation. Alors, oui, quoi qu'il arrive, Andy suivrait le mouvement imprimé par Moïra pour passer du point A au point B. Elle ne freinerait pas, ne s'abaisserait pas à se jeter par terre pour pleurer qu'elle ne voulait pas y aller comme un gosse s'accroche à son lit pour ne pas aller à l'école. Non, elle n'avait pas peur de l'inconnu, pas peur d'aller hors de sa forteresse, faux, faux, faux. L'envie lui manquait, c'était certainement cela. La passion aussi, mais c'était une autre histoire. Si bien qu'elle tentât, encore et encore de dissuader l'Anglo-saxonne de l'emmener pour la soirée.

Toute une succession d'excuses ridicules et de vigoureuses contestations plus tard, Andrea trottinait finalement derrière l'Anupam sans possibilité de retour, et non sans avoir râlé pour une bonne partie du trajet. Arrivée en vue de l'île marchande, la Brésilienne se figea, ses lèvres se pinçant en une moue boudeuse.
▬ Je ne crois toujours pas que ce soit une très bonne idée. Articula la brune en fixant sa camarade.
Il fallait bien commencer par quelque chose. Et merde, oui, Andrea avait la frousse, comme disait Esteban. Elle avait peur de s'éloigner du bord et de perdre le contrôle. Ses sourcils se froncèrent.
▬ On pourrait rester dans la bibliothèque, c'est tout aussi intéressant... Sinon plus. Mais les bars... Le Gerry's, je ne crois pas que ce soit ton meilleur plan, Moïra...
En quelle langue lui dire ? L'adolescent ferma les yeux et inspira profondément.
▬ Un verre. Pas fort. Et on rentre.
Dernière tentative d'imposer ses conditions à quelqu'un qui n'en faisait qu'à sa tête... Crois-le, Andrea.

♣●♣●♣

Chacun s'inventait les défis qui l'amusaient. Personnellement, si j'appréciais jouer, ma vie n'était pas contrainte de se paver éternellement de petits paris débiles pour arborer un tant soi peu de couleurs. Le premier qui semble émettre un avis contraire peut aller crever au Sahara pour me faire des vacances. Je disais donc qu'il ne m'était pas nécessaire de fixer des objectifs ridicules pour éclairer mes journées. Toutefois, si chacun avait un leitmotiv sous-jacent dans ses actions journalières, le mien s'apparentait sans doute à "faire bouger Andrea". Aussi utopique que complexe car la Yolihuani s'avérait autant bornée que conséquente ; les heures de son existence paraissant en effet réglées comme du papier à musique dont la mélodie résonnait exclusivement dans son dortoir et dans la bibliothèque. Merveilleux. ♣●♣●♣ J'ai du travail, ce soir, Moïra. ♣●♣●♣ Quelle étonnante surprise ... ♣●♣●♣ Avais-je rétorqué, arquant un sourcil faussement perplexe avant de reprendre. ♣●♣●♣ Ta régularité est saluable, Andrea, mais, à force de toujours travailler, un de ces jours, tu te retrouveras démunie et je m'en voudrais qu'un beau jour la besogne te manque. Donc ce soir, je serai la cause de ton horrible retard sur ton avance scolaire. ♣●♣●♣ Avais-je donc décrété, considérant cela comme acquis et, qu'il y ait ou non une nouvelle floppée de contestations, je ne faiblirais pas.

Lesdites contestations n'avaient d'ailleurs pas manqué, entre la maladie feinte et la fatigue sortie d'on ne sait où, ribambelle d'excuses miteuses qui m'avaient presque forcée à me demander si Andrea était incommodée à l'idée d'aller en soirée avec moi. Presque. ♣●♣●♣ Je crois que j'ai attrapé froid... Oublie ça. ♣●♣●♣ C'est la poussière des bouquins qui te rend fébrile. ♣●♣●♣ Avais-je finalement conclu, acceptant sa capitulation d'un signe de tête et d'un sourire. Hélas, entrer ainsi brièvement dans son jeu n'avait mené à rien, au bout du compte, puisqu'il n'avait pas fallu longtemps avant qu'Andrea ne déploie une nouvelle kyrielle de remarques ridicules et de justifications non pertinentes que je rejetais le plus souvent d'un haussement de sourcil. A force d'indifférence, de "je t'entends, si si, mais finalement ... non", nous nous retrouvions en marche vers l'île marchande, la demoiselle pestant à l'envi entre chaque foulée. ♣●♣●♣ Je ne crois toujours pas que ce soit une très bonne idée. ♣●♣●♣ Et moi si. Puis de toute façon, c'est trop tard. De quoi est-ce qu'on aurait l'air si on faisait demi-tour en plein trajet, c'est ridicule. Sans compter qu'il est grand temps que tu t'extirpes de tes livres, tu vas finir marque-page, à force. ♣●♣●♣ Soupirai-je. C'est qu'elle était coriace, même presque aux portes du bar, elle freinait toujours des quatre fers. Comme si ma parole n'était pas suffisamment sensée ... UU

♣●♣●♣ On pourrait rester dans la bibliothèque, c'est tout aussi intéressant... Sinon plus. Mais les bars... Le Gerry's, je ne crois pas que ce soit ton meilleur plan, Moïra... ♣●♣●♣ Tu n'y vas jamais, Drea, comment peux-tu comparer ? Tu m'en diras tant après. ♣●♣●♣ Assénai-je avec fermeté mais toujours aimable, Andrea ne méritant pas d'être rudoyée. Après tout, ce qu'on - je - faisait était parfaitement pour son bien et la prendre avec brusquerie ne l'aiderait pas à sortir de son éternelle carapace. ♣●♣●♣ Un verre. Pas fort. Et on rentre. ♣●♣●♣ Deux verres et je te conseille. ♣●♣●♣ Et qui disait "deux verres" disait "jamais deux sans trois" et qui disait "pas fort" disait donc "très fort". Ma logique était imparable. ♣●♣●♣ Une préférence sur l'endroit où on s'installe ? ♣●♣●♣ Demandai-je en poussant la porte, laissant la jeune fille pénétrer avant moi. Oui, j'étais magnanime. UU

♣●♣●♣

▬ Ta régularité est saluable, Andrea, mais, à force de toujours travailler, un de ces jours, tu te retrouveras démunie et je m'en voudrais qu'un beau jour la besogne te manque. Donc ce soir, je serai la cause de ton horrible retard sur ton avance scolaire.
Une des nombreuses réponses tout à fait perspicaces qu’avait opposée Moïra aux inutiles refus de la Brésilienne. Toute résistance était vaine, au final. Et Andrea le savait bien. Elle ne faisait que se débattre, pour la forme et pour l’honneur, pour le plaisir de dire, si jamais on la surprenait dans un quelconque état de joie trop débordante, qu’elle s’était battue jusqu’au bout, comme une lionne. Haha. Non, mais comme la Sri-Lankaise semblait l’avoir noté, la brunette n’avait rien de la lionne ou de la prédatrice tenace qu’on pourrait lui attribuer en lisant son nom. D’apparence, on la voyait solide, froide et campée sur ses positions. Mais il suffisait d’appuyer sur les bons boutons pour que tout s’effondre comme un château de cartes. Et non, Céleste, tu n’as pas encore la bonne combinaison. Et cesse de souffler, ça ne marchera pas non plus. Bref.
Plus elles avançaient, plus l’adolescente sentait ses jambes et sa volonté lui faire défaut, ses entrailles lui soufflant que l’idée n’était pas si bonne. Intuition qu’elle ne tarda pas à faire partager à son amie. Recevant un :Et moi si. Puis de toute façon, c'est trop tard. De quoi est-ce qu'on aurait l'air si on faisait demi-tour en plein trajet, c'est ridicule. Sans compter qu'il est grand temps que tu t'extirpes de tes livres, tu vas finir marque-page, à force. pour tout réponse, lui arrachant un petit marmonnement inintelligible duquel un oreille attentive aurait pu retirer quelques vagues Marque-page, marque-page… c’est mieux que finir poivrot au fond d’un trou… La Brésilienne capitula pourtant.
Et la voilà qui fixait la devanture du Gerry’s, déglutissant avec difficulté. Elle se tourna vers l’Anupam, tentant une ultime manœuvre de repli.
▬ Tu n'y vas jamais, Drea, comment peux-tu comparer ? Tu m'en diras tant après. Martela la Sri-Lankaise, anéantissant tout espoir de faire marche arrière.
▬ Je n’ai pas vraiment besoin d’avoir visité pour savoir que c’est une mauvaise idée. Lâcha-t-elle en retour, les pieds toujours profondément plantés au sol, n’ayant pas encore décidé si elle devait s’enfuir en hurlant ou se soumettre docilement à sa machiavélique camarade. Il suffit de faire l’équation, Moïra. Toi, plus bar égale mauvaise idée. Simple déduction.

▬ Un verre. Pas fort. Et on rentre. Argua-t-elle cependant en détaillant Moïra.
▬ Deux verres et je te conseille. Une préférence sur l'endroit où on s'installe ? Ajouta cette dernière en ouvrant la porte sur l’antre de la débauche, provoquant un léger recul chez Andrea.
L’adolescente vacilla légèrement et passa le pas, non sans avoir jeté un dernier regard anxieux par-dessus son épaule à Moïra et le reste du paysage de Nameless qui s’effacerait une fois la porte close. Le bruit, l’ambiance et les odeurs agressèrent la Brésilienne qui ne put s’empêcher de pincer le nez, au risque de passer pour la dernière des snobs. Ce qu’elle était un peu, au final. Elle manqua de trébucher sur un pied de chaise et fusilla les alentours du regard, incendiant chaque client, à commencer par Moïra. Le Gerry’s n’avait rien du bouge de La Plata dans lequel Esteban l’avait emmenée. Il n’en avait ni l’odeur ni la clientèle, mais ça n’empêchait pas Andrea de se sentir encore hors du temps, hors du monde, personne ne gravitait autour d’elle, mais elle ne gravitait autour de personne. Elle se contentait de flotter, d’exister sans être. Puis la chaleur du pub l’envahit et elle secoua la tête en croisant le regard de Moïra ses yeux voguèrent sur la foule, cherchant un lieu au calme, ou moins exposé, si tant est que cela soit possible.
▬ Un endroit calme. De préférence. Fit-elle en se tournant finalement vers sa l’Anupam, son regard posé sur un coin du bar, moins fréquenté. L’idée de rester plantée au beau milieu du bar pendant des heures pour le plaisir de la Sri-Lankaise n’enchantant guère Andrea, sa main attrapa celle de Moïra, prenant pour une fois l’initiative de mener la danse et elle se dirigea à grands pas vers la place désignée.
Elle se posa doucement sur la baquette, ses lèvres s’étirant en une moue vaguement dégoûtée, dans une position relativement peu naturelle et inconfortable.
▬ Commande pour moi, s’il te plaît... Laissa-tomber l’adolescente après avoir longuement réfléchi et inspiré profondément Je pense toujours que c’est une mauvaise idée. Ajouta-t-elle en plantant ses prunelles incertaines dans les yeux de sa camarade, l’appréhension, la crainte de faire un pas en dehors des sentiers battus accélérant les battements de son coeur, raidissant sa nuque, allant jusqu’à la faire suffoquer. Peut-être qu’après un verre, le malaise s’effacerait.
▬ Deux verres, n’est-ce pas ? Et on rentre. Vraiment. Souffla-t-elle une dernière fois, sans conviction, connaissant l’intéressée.

♣●♣●♣

Les marmonnements d'Andrea m'arrachèrent un sourire amusé et je n'y adressai pas plus d'attention. Pour une casanière comme la Yolihuani, je concevais sans trop de mal qu'ainsi remettre son destin entre les mains d'une autre, le temps d'une soirée, n'avait pas grand-chose de rassurant. Mais les mains assurant la protection du bien n'étaient pas celles de n'importe qui, d'abord, je savais parfaitement ce que je faisais, ensuite, et elle prendrait vraiment la poussière à force de zoner dans la bibliothèque. Sans compter que critiquer quelque chose qu'on n'avait jamais vu de ses propres yeux relevait du manque criant d'objectivité ... UU ♣●♣●♣ Je n’ai pas vraiment besoin d’avoir visité pour savoir que c’est une mauvaise idée. ♣●♣●♣ Enlève un peu tes a priori, Drea, tu n'en vivras que mieux. Ca va être chouette, parole de Norrington. ♣●♣●♣ Assurai-je, souhaitant qu'une telle assertion décroche par magie les pieds de mon amie désespérément enfoncés dans le sol devant le bar. Au pire, si ça l'amusait, elle pourrait recommencer dedans, hein, mais ... Voilà.

Alleeeez, juste un petit pas et on était dans la salle. UU ♣●♣●♣ Il suffit de faire l’équation, Moïra. Toi, plus bar égale mauvaise idée. ♣●♣●♣ C'est bien ce qu'il me semblait, Andrea, à force de rester enfermée, ton cerveau a manqué d'oxygène et commence à s'embrouiller, rétorquai-je avec malice, ayant pris le parti de ne pas m'offusquer des piques de la demoiselle, allez, viens là. ♣●♣●♣ Enjoignis-je en ouvrant la porte au même moment, la poussant ensuite doucement vers l'intérieur. Le regard limite mortifié qu'Andrea lança derrière elle me fit lever les yeux au ciel et je m'empressai de refermer derrière nous, sait-on jamais qu'un soudain accès de panique la pousse à faire frénétiquement demi-tour.

J'étouffai un léger rire en l'observant, droite comme un piquet et le nez savamment pincé. ♣●♣●♣ Ca va, ça ne sent pas plus mauvais que le parchemin moisi. ♣●♣●♣ Ris-je, haussant les épaules au regard noir qu'elle me lança quand elle manqua de magistralement se vautrer. Hey, je ne commandais pas ses jambes, jusqu'à nouvel ordre, pas plus que je ne plaçais sur sa route d'éventuels objects pour la faire chuter. Je m'appelais Moïra, Moï-ra. Pas Céleste. Et tout cela ne me disait pas non plus où nous allions nous installer pour la soirée. ♣●♣●♣ Un endroit calme. De préférence. ♣●♣●♣ Al- ♣●♣●♣ … -ors, je t’aurais bien proposé un endroit mais, visiblement, tu as pris les choses en mains. Plutôt satisfaite de cette initiative, je suivis la jeune femme d’un bon pas et détaillai le choix d’un œil appréciateur. ♣●♣●♣ Parfait, ça. ♣●♣●♣ Affirmation enthousiaste dénotant relativement avec l’air pincé et révulsé qu’affichait la Yolihuani. Sans compter qu’elle donnait un peu l’impression d’être assise sur un nid d’oursins, mais bon.

Installation ? Fait. Etape suivante : boire. ♣●♣●♣ Commande pour moi, s’il te plaît... ♣●♣●♣ Entendu. ♣●♣●♣ Souris-je, retenant péniblement un « avec plaisiiiir » tellement emballé qu’il aurait ruiné en moins de deux mon air sage et innocent. Hrm. J’attrapai la carte pour passer en revue les différentes boissons et, partant, celles qui nous conviendrait le mieux à chacune. ♣●♣●♣ Gerry ? Un Fairy’s sadness et un Quidditch Victory, si possible ! Merci bien. ♣●♣●♣ Enonçai-je avant de replier la carte et la placer négligemment sous mon coude. Andrea serait sans doute bien trop occupée à éviter la crise d’apoplexie pour vouloir examiner ce truc, même s’il rappelait la forme d’un livre. ♣●♣●♣ Je pense toujours que c’est une mauvaise idée. ♣●♣●♣ C’est ton nouveau mantra ? ♣●♣●♣ Ironisai-je. Franchement, elle devait renouveler ses disques, là, quand même … ♣●♣●♣ Deux verres, n’est-ce pas ? Et on rentre. Vraiment. ♣●♣●♣ On les prendra toujours par deux, promis. ♣●♣●♣ Répliquai-je avec espièglerie, entre le sérieux et la boutade avouée. Non mais vous me connaissiez … Je n’avais qu’une parole. Andrea n’aurait jamais à boire plus de deux verres à la fois.

Quand les boissons furent prêtes, j’indiquai Andrea pour le Fairy’s sadness – elle serait bonne pour son état de nerfs – et récupérai le Quidditch Victory. ♣●♣●♣ En espérant que l’équipe d’Hyram, celle d’Archibald ou celle de Jay finisse par remporter tous les affrontements. ♣●♣●♣ Lançai-je en une demi-diversion. A dire vrai, le Quidditch ne m’intéressait que dans la mesure où mes meilleurs potes y jouaient et que j’étais cheerios d’une des deux équipes. Après, j’accordais nettement plus d’attention à la chute des capitaines des teams homologues, bien que certaines se torpillent toutes seules vu leur manque de talent. ♣●♣●♣ Alors, un conseil, tu en bois un maximum d’un coup, c’est le meilleur moyen de goûter l’amertume des larmes de fée avant d’être subjugué par la saveur du chocolat. ♣●♣●♣ Et éviter que tu ne sentes immédiatement les relents de bière.

♣●♣●♣

▬ Enlève un peu tes a priori, Drea, tu n'en vivras que mieux. Ca va être chouette, parole de Norrington.
▬ Justement. Rétorqua sobrement la Brésilienne.
C’était exactement pour se genre de raison qu’Andrea faisait tout sauf confiance à son amie. Parce que c’était sa parole. Bien sûr, elle lui aurait tout naturellement confié sa vie si les circonstances l’avaient exigé, mais certainement pas son verre ou sa soirée. La parole d’une Norrington, au fond, ça ne lui inspirait guère plus que de la méfiance toute faite, de celles qu’elle avait toujours affichée d’un froncement de nez quand la situation lui échappait.
▬ C'est bien ce qu'il me semblait, Andrea, à force de rester enfermée, ton cerveau a manqué d'oxygène et commence à s'embrouiller, allez, viens là.
Mais c’était Moïra. Prenant sur elle, la Yolihuani inspira doucement et hocha finalement la tête avant de passer la porte en tremblant intérieurement, tâchant de sauver les apparences derrière une épaisse couche de givre, une carapace glacée qui ne devait fondre sous aucun prétexte. Si Andrea avait eut, ne serait-ce qu’un brin de lucidité, elle aurait peut-être songé que les murailles qu’elle dressait, aussi nombreuses soient-elle, aussi solides pouvaient-elles paraître n’étaient qu’illusion. Et qu’au moindre souffle, elles s’effondreraient sans appel et sans retenue. Qu’il était peut-être temps d’abandonner les batailles perdues d’avance et de s’accrocher à ce qu’elle avait déjà, ce qui lui tendait les bras. Moïra, Yizel. Céleste ?
Mais la Brésilienne étant ce qu’elle était, même la lucidité ne parvenait pas encore à enjamber le champ de mine qu’elle avait posé tout autour de son âme.
▬ Ca va, ça ne sent pas plus mauvais que le parchemin moisi. S’esclaffa l’Anupam pour toute réponse au regard noir de la Brésilienne, pas impressionnée pour deux mornilles.
▬ Mes parchemins ne sont pas moisis du tout ! Je le traite avec beaucoup d’att- … Ne put-elle s’empêcher de rétorquer vertement en redressant les épaules, raidie d’indignation, avant de s’interrompre, semblant saisir l’ironie et de se laisser lentement envahir par les effluves chaleureuses du pub.

Une fois assise à l’abri de l’agitation et du monde qui tournait un peu sans elle, Andrea avait crut que le malaise se serait dissipé et que, peut-être, elle aurait fini par se fendre d’un demi-sourire, galvanisée par la bonne humeur ambiante. A lieu de cela, elle se retrouvait encore à osciller entre la tenace envie de vomir tripes et poumons et celle de s’enfuir en hurlant, déjà prête à abandonner corps et biens dans sa fuite, les fesses posées à l’extrême bord de la banquette en cuir.
▬ C’est ton nouveau mantra ? Ironisa Moïra tandis que la Brésilienne exprimait encore et toujours ses réticences face aux idées de son amie qui lui paraissaient donc encore et toujours mauvaise et/ou particulièrement suspectes. Mais Andrea était de celles qui se laissaient docilement entraîner par ces gens auxquels elle faisait confiance. Une confiance passablement aveugle, d’ailleurs.
Elle loucha un instant sur la carte que Moïra avait subtilisé et tapota nerveusement sur la table avant d’entonner le deuxième refrain qu’elle répétait depuis le début de la soirée.
▬ On les prendra toujours par deux, promis.
Andrea grinça des dents. Très drôle Moïra, merci bien. Un soupir s’échappa de ses lèvres sans qu’elle ne tente de le retenir tandis que son amie lui indiquait le cocktail qu’elle lui avait soigneusement choisi. La Brésilienne était peut-être coincée, mais elle n’était pas stupide. Connaissant la Sri-Lankaise, il y avait fort à parier que ledit cocktail ne soit pas constitué que d’eau. Mais un verre, un seul, peut-être qu’il dissiperait ce malaise qu’elle traînait sans fin. Peut-être.
Avec des si et des peut-être, elle aurait déjà refait le monde. Ou son sang, pour commencer.
▬ En espérant que l’équipe d’Hyram, celle d’Archibald ou celle de Jay finisse par remporter tous les affrontements. Déclara Moïra en s’emparant de son cocktail à base de Quidditch-quelque-chose, allez savoir quoi. Donc. En gros, elle supportait trois équipes sur quatre. Belle performance.
▬ Tu as un drôle de concept de l’espoir. Fit sobrement remarquer la Brésilienne tout en attrapant son verre pour le fixer d’un air profondément méfiant. Oui bon, les plaisanteries, les métaphores, les subtilités etc et Andrea, ça faisait bel et bien 36. Pour la gloire qu’ils en retireront, de toute façon … Ajouta-t-elle à mi-voix, faisant tourner son index autour la coupe d’un air songeur.
▬ Alors, un conseil, tu en bois un maximum d’un coup, c’est le meilleur moyen de goûter l’amertume des larmes de fée avant d’être subjugué par la saveur du chocolat. Conseilla finalement l’Anupam tandis que l’adolescente louchait sur le contenu de son cocktail. Si elle n’avait pas eu un minimum d’éducation et de retenue, elle l’aurait probablement reniflé pour tenter d’en déceler tous les arômes. Ce qui, au final, ne l’aurait pas avancée plus ça puisque rappelons qu’Andrea et l’alcool n’ont jamais vraiment été les meilleurs amis du monde.
N’y connaissant donc rien, la Brésilienne pris le (mauvais) parti d’écouter son amie. Elle s’installa légèrement plus confortablement sur la banquette et croisant les jambes avant de tremper ses lèvres dans le liquide étrangement coloré et tout aussi étrangement agréable. Et en quelques rapides gorgées, le verre fut vidé (parce que bon, une Braxton ne faisait pas les choses à moitié). Un vague sourire ravi et éphémère vint agiter la commissure de ses lèvres une fois que la coupe vide fut reposée sur la table, si bien que la Yolihuani jeta un regard circulaire pour vérifier que personne n’avait aperçu la légère brèche dans l’armure et en profita pour incendier Moïra du regard.
▬ Un commentaire et je te tue. Préféra-t-elle prévenir dans un souffle alors que la boisson se ruait lentement mais sûrement à l’assaut de son cerveau, traversant ses veines comme une avalanche tranquille mais implacable.
La sensation de chaude plénitude qui envahit progressivement l’adolescente la laissa rêveuse. Ce n’était pas sa première rencontre avec l’alcool et ce léger étourdissement à la limite entre la fièvre et le vertige lui rappelait quelques délicieux et trop rares instants de liberté.
Ecartant ses réminiscences d’un geste agacé, Andrea fixa Moïra avec intensité et posa un index sur le coin de la carte dépassant de la prison dans laquelle l’avait enfermé l’Anupam.
▬ Je… Moïra ? Interrogea misérablement la Brésilienne après un instant de réflexion. Quelques longues secondes durant lesquelles elle s’était simplement battue entre ses idéaux, son éducation et sa peur de tout, opposant pour seul bouclier une lamentable et bien trop éphémère sensation d’exaltation, cette impression d’appartenir un peu au monde. Juste une fois. On peut rester encore un peu. Si tu veux.

♣●♣●♣

Sortir Drea était un défi de taille et je ne disais pas cela uniquement pour me jeter des fleurs puisque j’avais jusqu’à présent réussi à la traîner plus loin que la bibliothèque. Non, sincèrement, outre le fait qu’elle freinait des quatre fers et que j’étais contrainte de la pousser de toutes les manières possibles, j’étais aussi obligée de museler ma susceptibilité et la jeter dans la mer de la placidité. ♣●♣●♣ Justement. ♣●♣●♣ Je vais faire comme si je n’avais rien entendu. ♣●♣●♣ Parce que c’était Andrea et uniquement pour cela. Sinon croyez bien qu’un crache-limace se serait déjà volontiers perdu dans les airs pour plonger tête la première vers la gorge de l’impudent. Enfin, le principal était que la technique employée là, maintenant, tout de suite soit payante et, comme mon amie daignait enfin rentrer dans le bar, j’estimai que oui.

Deuxième étape : la détendre. Pas une mince affaire non plus, j’avais l’impression de promener une sorcière sous Petrificus. Heureusement, elle s’était installée d’elle-même sur une banquette, preuve qu’il y avait du progrès ou, au moins, un peu de bonne volonté. ♣●♣●♣ Mes parchemins ne sont pas moisis du tout ! Je le traite avec beaucoup d’att- … ♣●♣●♣ Déstresse, je rigole. ♣●♣●♣ L’humour ne fonctionnait pas. Pas encore. Avec un peu d’alcool dans le sang, le givre en surface serait bien contraint de fondre. Et, non, je n’avais aucun doute quant au fait qu’Andrea finirait par ingurgiter un breuvage dont les degrés ne plafonneraient pas à zéro. J’admettais néanmoins que lui soustraite la carte de la sorte n’était guère correct mais il fallait avoir à l’esprit deux choses : premièrement, Drea confrontée à la rationalité éplucherait frénétiquement chaque ingrédient de cocktails et y trouverait forcément quelque chose à redire et, deuxièmement, imaginons qu’elle soit n’en élise aucun, on était parti pour la gloire, soit hésite entre deux, on n’était pas sorti de l’auberge. Ou du Gerry, en l’occurrence.

Il était donc préférable que non seulement je choisisse le contenu de nos verres ainsi que leur nombre et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Plus qu’à trouver un sujet de discussion pour esquiver les icebergs-glaçons imbibés de bière du Fairy’s Sadness et le tour serait joué. ♣●♣●♣ Tu as un drôle de concept de l’espoir. ♣●♣●♣ Note qu’il a plus de chance d’être concrétisé. ♣●♣●♣ Remarquai-je. Oui, bon, il n’y avait aucun mérite à miser sur plusieurs chevaux à la fois et cela m’aurait nettement arrangé qu’ils soient tous concentrés dans la même équipe, si vous vouliez tout savoir, et accessoirement celle dont j’étais cheerios. ♣●♣●♣ Pour la gloire qu’ils en retireront, de toute façon … ♣●♣●♣ Oh, détrompe-toi, ce genre de victoires a un sacré impact sur la vie estudiantine. D’autant plus que c’est l’équipe gagnante qui organise la fête …, commentai-je, imagine une fête organisée par Valdès et Gonzalès, dans le genre « hérésie » … ♣●♣●♣ Ricanai-je, évitant soigneusement le nom de « Stark » bien qu’il me brûle la langue. Choisir à la place une des pires traînées de Yolihuani et sa potiche de copine devrait avoir meilleur effet …

Nous arrivions alors à la troisième étape de la soirée : expliquer à Andrea comment déguster sa boisson sans toutefois lui offrir l’occasion de sentir quel était exactement l’alcool qui l’en composait. Lorsqu’elle attrapa son verre, je l’accompagnai, ponctuant d’un ♣●♣●♣ santé ♣●♣●♣ enthousiaste. Mes prunelles se fixèrent sur elle et un irrépressible sourire fendit mon visage en découvrant les expressions se succédant sur le sien. Hin hin, rien n’avait meilleur goût qu’une victoire méritée, assurément. ♣●♣●♣ Un commentaire et je te tue. ♣●♣●♣ J’eus un rire franc, causé à la fois par l’amusement et la surprise, surprise d’être ainsi apostrophée par Andrea alors que je n’avais absolument rien laissé présager de tel. Mon auréole fonctionnait encore parfaitement. ♣●♣●♣ Tu rentrerais toute seule à Elderwood ? Je suis peinée d'un tel manque d'affection envers moi mais, au moins, cela signifierait que tu prendrais ton envol en te débrouillant sans mon concours. Ma mort serait un sacrifice utile, en somme, mais je préfèrerais quand même profiter encore un peu de ma jeunesse, plaisantai-je, un air faussement innocent ancré dans mes traits, puis comme si c’était mon genre, déjà. ♣●♣●♣ Ironisai-je. Oui, les « je te l’avais dit » étaient même absolument mon genre. Mais je savais me tenir dans certaines circonstances, tout de même.

Son index épingla le coin de la carte que je couvais toujours comme un précieux poussin et j’eus un ♣●♣●♣ hum ? ♣●♣●♣ interrogateur. Elle m’avait demandé de me taire, je lui accorderais ce plaisir. Cependant, un « alors, on ne peut déjà plus s’en passer ? » me brûlait méchamment les lèvres et j’inspirai profondément pour chasser cette réplique de ma langue. ♣●♣●♣ Je… Moïra ? ♣●♣●♣ Tu, répondis-je tout en la désignant du doigt, Andrea. Moi, c’est Moïra, j’aime mon prénom, je le garde. ♣●♣●♣ Quoi ? UU D’accord, je la charriais. Mais c’était de bonne guerre et en tout amitié, voyons. Secouer Andy comptait au rang de ces impératifs quotidiens si on désirait avoir l’infime espoir d’un jour la reconnecter totalement au monde réel. ♣●♣●♣ On peut rester encore un peu. Si tu veux. ♣●♣●♣ Si ça peut te faire plaisir, bien sûr, titillai-je, me tournant ensuite vers le barman, Gerry ? La même chose, s’il vous plaît. ♣●♣●♣ Autant rempiler tout de suite avant qu’elle ne change d’avis, hein.

Je terminai moi-même mon verre avant que la prochaine tournée n’arrive. ♣●♣●♣ Tu vois que je n’ai pas que des mauvaises idées, hm ?, souris-je, et, un jour, je t’apprendrai à danser. Mais je ferais peut-être mieux de t’en reparler quand tu auras fini ton deuxième verre. ♣●♣●♣ Emis-je tout en poussant devant elle le cocktail qui venait d’arriver.

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