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Nul torrent de larmes. Nulle averse de peine. Seule la déferlante de vodka avait trahi le malaise, ouvrant les vannes d’un flot incessant de rage et d’amertume. Elektra et Sladka s’étaient révélées de bien impuissantes digues pour canaliser cet orage qu’elles avaient elles-mêmes provoqué. Mais les demoiselles avaient désiré savoir. Elles avaient dû savoir pour mettre un nom sur l’humeur de leur meilleure amie commune et faire tomber les masques. Esfir était une dure et cette rudesse la rendait parfois inaccessible. Et, partant, singulièrement irritable. Endurer en silence n’était pas dans les habitudes de la lycane lorsqu’il s’agissait d’un problème épineux et le couperet avait fini par tomber : Fedor.

La Russe les connaissait l’un et l’autre depuis de longues années. De chacun, elle s’avérait proche, même si certains secrets n’étaient pas aussi équitablement partagés entre eux deux que la complicité. Des choix, des impératifs qui avaient modelé le présent mais qui n’influeraient pas sur son jugement dans l’écheveau inextricable qui se trouvait ainsi devant elle. La neutralité était une nécessité dans de tels cas aussi Sladka était-elle restée en retrait, le temps que l’effervescence ne retombe quelque peu.

Puis la sixième année avait quitté sa retraite pour le domaine de l’inquiétude et du questionnement, peinant à reconstituer un tableau clair et cohérent à partir des différents flashs décrits par son amie. Un puzzle si embrouillé amenait à la recherche aussi la lycane s’était mise en quête de Fedor. Un week-end somme toute ordinaire, assez de temps pour partir en chasse, son nez fin facilitant la « traque », voilà qui se présentait plutôt bien. Sladka avait abandonné ses camarades sans autre justification qu’un besoin de prendre l’air ce qui, au vu des dernières directives et des évènements récents n’était en rien suspect. Profiter du peu de liberté dont ils disposaient encore quand ils en avaient officiellement le droit, c’était même plutôt logique.

Quadrillant le secteur, suivant les trajets habituels de l’infirmer, la Russe espérait repérer rapidement sa piste et remonter jusqu’à lui. Pour savoir. Comment il allait. Ce qu’il en advenait réellement. Bref, comprendre et ainsi peut-être aplanir les choses avant qu’Esfir ne le métamorphose en Merlin sait quel abomination par le biais de ses potions. Et Sladka ne cautionnerait rien, pas tant qu’elle n’aurait pas un éclairage complet sur la scène.

Ses pas l’avaient finalement menée plus loin qu’Elderwood, quittant inexorablement ses abords pour arpenter l’Ile Marchande. Il y serait. Elle en avait l’intime conviction et son instinct la trompait rarement quand elle le combinait aux indices olfactifs glanés en chemin. La silhouette du sorcier ne tarda d’ailleurs pas à se découper au milieu des galets que Sladka foulait les pieds nus, désormais. Ses sandales fermement tenues dans sa main gauche, il lui était plus simple de louvoyer entre les écueils, la voûte plantaire directement au contact des pierres.

Silencieuse, elle rejoignit Fedor, se coula à ses côtés et signala sa présence d’un tapotement sur l’épaule. Les entrées en fanfare n’avaient jamais été le fort de la brune. ❖ Bonjour toi. J’espère que je ne te dérange pas. ❖ Glissa-t-elle en amorce. Cette plage n’était pas réputée pour être très prisée. S’y trouver n’était donc pas forcément un geste fortuit. ❖ Quelles sont les nouvelles ? Je ne t’ai pas croisé depuis les derniers évènements. ❖ « Derniers évènements » qui englobaient aussi bien la Beach Party avortée que les démêlés avec Esfir. Restait à voir par quel bout l’infirmier commencerait …

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L’attention permanente et le sens du détail n’étaient pas utiles dans le seul but d’assurer ses arrières. Par ces méthodes, on œuvrait autant à la préservation de ses secrets qu’à l’élucidation des mystères des autres. Les battements d’un cœur, l’intonation de la voix, ses variations, ses tremblements, la sueur, le regard … Autant d’indices pour étayer une solution ou, à tout le moins, mettre sur une piste, bien qu’ici le geste de Fedor intrigua Sladka plus qu’il ne lui apporta de solution. ❖ Salut, Slad'. Non, du tout. La mer était pas très bavarde aujourd'hui. ❖ Il est vrai. Ni très éblouissante jusqu’ici, dirait-on. ❖ Constata-t-elle l’air de rien avec son habituel sourire énigmatique qui fleurissait immanquablement à l’ombre de ses remarques anodines. La Russe présentait un travers notoire : faire mouche n’était pas une option. Quand quelque chose d’intriguant attirait son regard, elle le soulignait d’un fin trait de crayon afin d’indiquer qu’elle avait relevé l’élément. Rien de plus qu’une ligne légère … La louve n’inscrivait aucun commentaire en supplément, offrant à son interlocuteur l’occasion d’ajouter, s’il le désirait, un commentaire à sa copie.

L’expression indéchiffrable qui naquit sur le visage de l’infirmier à la mention des derniers évènements rendit la sixième année perplexe, perplexité renforcée par la suite de ses propos. Sladka avait souvent songé que s’il y avait bien une illustration en ce monde du dicton concernant l’attirance entre les opposés sur fond de course « chat-souris », c’était Esfir et Fedor. Cependant, elle n’avait jamais songé qu’ils puissent être sur des longueurs d’ondes à ce point divergente concernant un même fait qu’ils avaient partagé tous les deux. ❖ C'est parce que je n'y ai pas pris part. J'ai abusé sur le Gin tonic, je crois. ❖ Je l’ignorais. ❖ Avoua-t-elle avec un sourire d’excuse, dardant son regard gris sur le sorcier dans l’espoir de repérer une faille. Qu’il souhaite ne pas aborder le sujet, la Russe le comprendrait sans mal. Chacun avait son jardin secret et violer l’entrée de la propriété de qui que ce soit n’était pas dans ses projets. A fortiori la propriété d’un proche … ❖ Tu as eu des échos ? Je me suis mis à poils et j'ai dansé sur le bar ? Enfin, si c'était le cas Eterna me l'aurait sûrement dit entre deux confidences sur l'oreiller hier soir, j'imagine ... ❖ Le flot d’informations rendit ses traits sombres, l’incompréhension gagnant son esprit avec la rapidité du poison courant dans les veines. Un froncement de sourcils surpris plissa son front avant qu’elle ne dévisage Fedor dans l’espoir de déceler une quelconque once d’humour, aussi particulier soit-il, pour justifier la tirade par un bluff en bonne et due forme. Mais rien. Rien. Pas un grain de rire aux plis de ses lèvres pour démentir l’assertion, pas une pincée de désinvolture dans son regard indiquant la boutade. Tout au plus un flou artistique assez perturbant …

Ses mains glissèrent dans ses poches, triturant le mouchoir parfumé au petit grain qu’elle promenait avec elle en permanence au cas où il faudrait se prémunir d’une agression olfactive. Ici, toutefois, il n’était qu’un moyen comme un autre de focaliser son esprit sur l’essentiel et formuler une réponse rapidement. Il n’était pas question qu’un de ses silences devienne suspect. ❖ Tu n’as pas dansé sur le bar. ❖ Rassura la demoiselle, optant sciemment pour l’élimination plutôt que l’affirmation. La première partie s’avérait en effet parfaitement exacte, quant à elle, d’après les échos d’Esfir. A l’exception du lieu mentionné par Fedor, mais il était assez délicat de le relever … ❖ Concernant la bibliothécaire, c’est toi qui m’apprends des choses. Je croyais que l’imagination d’Elektra s’était emballée. ❖ Reconnut Sladka en haussant les épaules. L’épisode avait été riche en larmes et relativement complexe à comprendre. Sa meilleure amie s’était effondrée en pleurs, le cœur piétiné, narrant un récit somme toute enjolivé, avait conclu Sladka. Partager le dortoir d’Ele et son amitié depuis de longues années avait ouvert une porte à la louve dans le Royaume des Contes de Fées de la blonde. Si interpréter chaque parole de la demoiselle pour les traduire dans le monde réel était un exercice régulièrement pratiqué par la brune, la Russe craignait cette fois l’erreur de perception. Elle avait en réalité classé immédiatement la partie « Eterna & Fedor » dans le chapitre des « amours chimériques » qu’Elektra se plaisait à côtoyer.

La sixième année n’aurait su dire s’il s’agissait de la gêne ou de l’incompréhension profonde mais quelque chose rampait dans sa poitrine. Une bête vicieuse s’enroulait autour de son estomac, compressant ses organes afin de lui rappeler « avec délicatesse » qu’elle voguait en zone dangereuse. Entre deux eaux, entre deux os, ignorant encore contre lequel des deux {fé}murs elle buterait en premier. ❖ Tu te souviens de la visite de Monsieur Adamson, quand même ? Et du discours du Coordinateur Kiely au lendemain de la fête ? ❖ S’enquit-elle. S’il avait vraiment tout oublié, il aurait oublié ça également, songea la lycane. Le seul moyen à ses yeux de démêler cette énigme était d’abord de comprendre s’il soustrayait volontairement des détails à sa connaissance ou non, préférant régler ça uniquement avec une Esfir passablement ingérable, néanmoins.

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Dégoût de lui-même au bord des lèvres, air profondément désabusé et confiance en lui aux abonnés absents, Fedor n'était que l'ombre de l'homme que l'on avait l'habitude de voir déambuler fièrement sur l'île en jouant de son fouet, de ses sourires Don Juanesques et de ses boutades de grand farceur. Ses pieds étaient fichés dans les galets mais pourtant, il se sentait entraîné vers le fond. Sa vie avait pris des allures de naufrage. Chaque heure amenait son lot de coups durs, par vagues, les uns après les autres. La liste des mauvaises nouvelles s'allongeait, plus longue que son bras, plus noire minute après minute. Et les bonnes, elles, étaient factices... ♦♦♦ Au moins une. releva Sladka, confirmant ses pensées, alors qu'il lui renverrait de suite l'ascenseur en acquiesçant lorsqu'elle lui ferait part des siennes. Finalement, tu as peut-être davantage bu ce soir-là qu’on ne me l’a rapporté. ♦♦♦ C’est aussi mon impression. ♦♦♦ Malaise croissant. Il bougea les orteils sous les pierres et se pencha légèrement en avant pour glisser son regard sur l'eau. Quelque chose clochait, il le sentait, lui aussi. Il savait que Sladka, sans mentir, n'allait pas au fond de sa pensée. Un non dit couvait entre eux, qu'il n'était pas très sûr d'avoir envie d'entendre, surtout vu le ton de la conversation, qui bien que cordial, était sans conteste peu engageant, mais qui rendait l'atmosphère un peu électrique. Et au moindre combustible... ♦♦♦ Je suis surprise parce que j’ai l’impression d’avoir vécu une autre réalité que toi. Lâcha-t-elle finalement, tandis qu'il plissait les yeux derrière ses lunettes. ♦♦♦ Finalement, il soupira avant de répondre sur un ton toujours aussi las, de ressasser, de rester planté là comme un idiot, d'avoir le cœur si lourd. ♦♦♦ J’aimerais que tu aies raison et qu’il y en ait plus d’une, ou tout du moins une autre plus plaisante, mais j’ai bien peur qu’on doive se contenter de celle-là. ♦♦♦ S'il avait su à quel point l'autre était pire, il aurait sans doute cessé de se plaindre. En tous cas, la réalité des autres étaient mieux sans lui, ça, il en était sûr, et cette fois, elle ne sembla pas d'accord. Quel genre d'amie aurait-elle été si elle avait à nouveau acquiescé, hein ? ♦♦♦ Tu me l’apprends … souffla-t-elle avant d'ajouter, clairement surprise par sa profonde culpabilité et son envie d'éloignement, alors qu'il aurait cru qu'elle comprendrait parfaitement sa position, le connaissant très bien et ayant eu vent de ses derniers exploits. La version d’Ele était teintée de son émotivité naturelle mais rien qui soit gravé à ce point dans les chairs, alors si tu le souhaites, explique-moi. Qu’est-ce qui t’oblige à décréter du jour au lendemain que tu es fait pour vivre au ban ? l'interrogea-t-elle, s'attirant un nouveau soupir de la part de l'intéressé. ♦♦♦ C'est compliqué, dis lui juste que j'suis désolé. ♦♦♦ A cette pauvre Elektra qui n'avait rien demandé… Et oui, il se planquait derrière une fausse excuse bidon parce qu'au fond c'était bien plus simple qu'il ne voulait l'admettre, mais il n'avait pas envie d'avouer. Pas envie de dire à voix haute à quel point il n'était qu'un sale con qui ne méritait guère mieux que l'isoloir. ♦♦♦ Bien sûr. Elle s’en remettra. Elle a le cœur innocent mais cette innocence la rend compréhensive et douce. Elle ne mord pas, en tout cas, ça va se tasser aisément, avec elle pas d’inquiétude. le rassura un peu Sladka, bien que son allusion ne lui échappa pas, lui tirant un sarcasme qui se changea de nouveau en long soupir coulant de lassitude. ♦♦♦ Tu vas me mordre, toi ? ... Je sais que j'ai mal agi. Et c'est ton amie, alors, je ne t'en veux pas, tu peux me blâmer, mais s'il te plaît, ne me sermonne pas. ♦♦♦ Il se punirait tout seul. A vrai dire, il se punissait déjà. Et de nouveau, elle ne semblait pas d'accord avec cette sentence, cette mise à l'écart. Un reproche de plus ou de moins, il n'était plus à ça près, hein! ♦♦♦ Je suis la première à comprendre un besoin de solitude. Mais éviter la terre entière n’est pas la panacée, à moins qu’on ait à lui cacher plus que ce qu’un regard trahit. ♦♦♦ D'accord, j'ai honte de moi, ça te va comme ça ? finit-il par lâcher, excédé, en tournant la tête vers elle pour affronter à demi son regard, toujours caché derrière les verres teintés. Je ne prends que des mauvaises décisions alors j'ai décidé d'arrêter d'en prendre. J'ai fui celle que j'aime par trouille, m'suis consolée chez une autre au cœur déjà pris, ça m'est évidemment retombé dessus et failli me coûter mon boulot vu que je suis un gentleman tellement extraordinaire que j'ai traumatisé l'élève la plus douce et naïve de l'école sous les yeux de son tuteur que j'ai traité de goujat. ♦♦♦ Il fit une pause pour rire, jaune, et se prendre sa nuque entre ses mains, les coudes en l'air, le regard qui avait décliné vers le sol. Ouais, il avait tout foiré, tout, tout, tout. Et le bilan n'était pas plus glorieux. ♦♦♦ Résultat : j'ai fait pleurer une fille, aidé une autre à perdre l'homme qu'elle aime, me suis menti à moi-même et fourré la tête dans la merde tout seul parce qu'au fond, je suis lâche et incapable de me battre pour ce que je veux vraiment. D'ailleurs, je vais sans doute finir sans rien parce qu'au moindre pas de travers j'me fais virer et que j'suis bon qu'à faire des conneries. ♦♦♦ Voilà, tout était dit. Elle avait le tableau noir et moisi de sa foutue vie qu'il avait gentiment fichu en l'air sous les yeux. Verdict, mademoiselle ? N'était-il pas parfaitement à sa place sur cette plage, loin de tout ce qu'il aurait encore pu briser ? Comme s'il n'en avait pas déjà assez fait ! Et les coups qu'il avait pris ainsi que l'épée de Damoclès au dessus de sa tête, n'était-ce pas assez cher payé pour contrebalancer ses torts ? Si ça ne suffisait pas, ses pensées noires avec lesquelles il se débattait étaient assez douloureuses pour qu'il purge une peine à la hauteur de ce qu'il avait démoli. ♦♦♦ La voilà, ma réalité. Je sais, c'est moche et j'donnerais tout pour vivre dans une autre, Sladka, parce que celle-là, je sais que j'peux pas la réparer. Même que je l'ai entrevue quand j’étais à terre, après que Di Marco m'ait sonné... Je n’ai pas vu les mille étoiles ni les chandelles qu’ils prédisent. J’ai vu… Autre chose. Quelque chose de merveilleux... Et d’impossible. ♦♦♦ Fermant les yeux une dizaine de secondes, il laissa les images revenir, de ce sable froid, d'Esfir qui emprisonnait ses lèvres de sa bouche, de ses mains fichées sur ses hanches parfaites ... Puis, les rouvrant subitement, il chassa aussi sec de mirage qui lui faisait bien plus de mal que de bien avant de faire glisser ses mains sur le haut de son crâne en secouant vivement la tête. Il ne méritait pas ce bonheur. Son coeur se serra et il cacha sa vague à l'âme avec une de ses habituelles touches d'humour maladroites. ♦♦♦ Si ça se trouve, j’ai une commotion cérébrale ! lâcha-t-il dans un rire étranglé. ♦♦♦ Et sa canine alla se planter dans l'intérieur de sa lèvre inférieure. Il ne méritait pas non plus une once de compassion.

♦♦♦ Envisager la transposition de l’impression en réalité concrète me paraît une piste intéressante. ♦♦♦ Fedor lui jeta un regard par dessus ses lunettes, laissant entrevoir le côté de son œil encore un peu jauni par l’ecchymose. Ses sourcils s'étaient arqués et se froncèrent à l'entente de la suite. ♦♦♦ Fedor, crois-moi, tu ne joues pas les reclus depuis la fête sur la plage, souvenirs dans une pensine à l’appui si tu le désires, une pièce du puzzle ne s’emboîte pas. ♦♦♦ Pinçant les lèvres, il se retourna pour lui faire face, quittant la mer des yeux pour ses prunelles bleues. Au fond de lui, il savait qu'elle disait vrai. Il le sentait au plus profond de ses tripes. Quelque chose ne concordait pas. A moins qu'à force de l'entendre il finissait par le croire ? Peut être qu'il avait besoin de penser qu'il y avait une autre cause à son état et qu'il n'était pas au bord de la dépression juste parce qu'il s'était battu, avait dû faire des excuses à Di Marco pour protéger Eterna, qu'il était malheureux qu'elle ait eu le cœur brisé dans la bataille et que voir pleurer Elektra avait été l'un des plus tristes spectacles qu'il ait pu voir. Mais au fond... N'était-ce pas amplement suffisant ? ♦♦♦ D'accord, je l'avoue. C'est vrai. Entre temps, je me suis consolé dans les bras d'une fille parce que j'ai cru que j'irais mieux, après. Ça n'a pas exactement marché. Encore une erreur... C'est plus clair, maintenant ? ♦♦♦ Qu'avaient-ils donc tous à vouloir tous clarifier ? Et pourquoi voulait-elle tant le consoler lui ? Il ne le méritait pas. Elle aurait dû être auprès d'Elektra ou de n'importe qui d'autre qui en avait réellement besoin. Lui, après tout, était un grand garçon et s'il avait envie de se punir, pourquoi ne pouvait-elle pas le laisser faire ? Pourquoi ne voulait-elle donc pas croire que ses raisons soient assez légitimes et que rester à l'écart soit la meilleure chose à faire ? Plus ils parlaient, plus tout était emmêlé dans son esprit. Il fallait qu'elle arrête de vouloir tout comprendre, tout décortiquer. C'était trop... Compliqué ! Déjà bien assez pour ne pas en rajouter. ♦♦♦ Compliqué à entendre ou bien à expliquer ? ♦♦♦ Et pourquoi pas les deux ? ♦♦♦ Fedor, j'ai l'habitude de mordre ? Nous sommes amis, nous aussi, non ? Je sais faire la part des choses et mes intentions ne sont pas de t’enfoncer. Avec moi et avec une partie de ceux que j'ai blessé. ♦♦♦ Il avait l'impression d'être un tourne-disque répétant sans arrêt le même morceau. Elle voulait des aveux en règle ? Et après, le laisserait-elle tranquillement se flageller ? Dans ce cas, il allait lui en faire. Mais alors qu'il aurait dû s'ouvrir complètement, il continua de se renfermer. Sa honte était trop grande et il avait trop de culpabilité au fond du coeur pour cesser net de se cacher. Avant de parler, il redressa la tête, ses yeux retournant derrière les verres teintés. Puis, il vida son sac, déballant son lot d'absurdités qu'elle ne semblait toujours pas approuver, ne voulant pas croire que son attitude était "réellement justifiée" Elle avait raison. Son comportement n'était pas digne de celui qu'il se vantait d'être. Il était purement affligeant. ♦♦♦ Respire. Lui intima-t-elle entre deux tirades meurtrissantes. Depuis combien de temps rumines-tu pour en arriver à des conclusions pareilles ? Qui a décrété que tu ne pouvais pas réparer en prenant les autres décisions ? Et quel est cet autre chose que tu juges inaccessible ? L'interrogea-t-elle alors que tout dire à voix haute n'avait pas aidé à défaire les nœuds de ses pensées ni à les rendre moins lourdes ou moins noires. ♦♦♦ La logique a décrété que je devais arrêter les frais avant de vraiment commettre l'irréparable. Et pour ta dernière question... Joker ? Rien ne sert de s'étaler, le tableau est assez infect comme ça. Quant au "depuis quand", j'ai perdu la notion du temps. Si c'est pas une commotion, j'ai sans doute une insolation ! ♦♦♦ Railler, faire celui qui s'en fout, s'acculer, baisser les bras. Il ne semblait bon qu'à ça. Était-ce possible d'être à se point pathétique ? On lui aurait dit un jour il ne l'aurait pas cru. Peut être que Sladka aurait dû lui foutre une claque pour lui remettre les idées en place, ou le secouer un bon coup. ♦♦♦ Si ça se trouve, c’est exactement ce qu’il y a eu. Il n’y a rien qui ne puisse être changé lorsqu’on a les cartes en main, alors pose-toi une question : qu’est-ce que tu veux ? Vraiment. Et souhaites-tu réfléchir à ce qu’il faut mettre en œuvre pour atteindre cette situation, sans perte ni fracas ? Avec perte et fracas. Tu oublies à qui tu parles. Rectifia-t-il, avec un sourire un brin moqueur, alors qu'au fond il était sérieux. Réfléchir, ça ne me réussit pas ces derniers temps. Ni agir, d'ailleurs. Et puis, ce que je peux bien vouloir on s'en fiche pas mal. ♦♦♦ Lui, démissionnaire ? Si peu. ♦♦♦ L'Amour et ses utopies, ça fait plus de mal que de bien. Ma mère va être déçue, j'lui avais dit que j'pensais avoir rencontré la bonne, mais... ♦♦♦ Il soupira, un soupir long et totalement résigné. ♦♦♦ Mais j'suis pas fait pour ça, c'est tout. ♦♦♦ Ses pieds toujours plantés dans les galets, il se remit face à l'océan et fit vaguement bouger ses orteils. Le poids sur ses épaules était toujours aussi écrasant. Quoi de plus normal ? Il venait de renfiler ses chaînes.

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Eprise de logique et de cohérence, Sladka se retrouvait perdue. Les sons de cloche de ses proches n’étaient pas simplement différents. Ils étaient incompatibles. Plus elle creusait, plus elle était persuadée qu’il y avait, sous la surface, une réalité autre, une vérité qui regrouperait les points de vue en un ensemble homogène qui éclairerait la situation d’un nouveau jour. ❖ D'accord, je l'avoue. C'est vrai. Entre temps, je me suis consolé dans les bras d'une fille parce que j'ai cru que j'irais mieux, après. Ça n'a pas exactement marché. Encore une erreur ... C'est plus clair, maintenant ? C Pas encore tout à fait, grimaça-t-elle, jugeant l’explication insatisfaisante pour réellement comprendre, November, c’est une chose, poursuivit-elle, avançant l’hypothèse qu’il s’agissait de l’Anupam, mais que tu ne te souviennes de rien de la fin et du lendemain de la fête n’est pas normal. ❖ La jeune fille aurait davantage dû dire « mais que tu ne te souviennes pas des mêmes choses que les autres pour la fin et le lendemain de la fête n’est pas normal », certes. Toutefois, l’idée restait la même. Il ne se rappelait pas de ça, ce quelque chose qui mettait Esfir dans tous ses états parce qu’il avait existé brièvement avant de voler en éclats. ❖ Fedor, accepterais-tu de retracer ce que tu as fait cette nuit-là et le lendemain avec moi ? Je t’assure que quelque chose cloche plus qu’on ne le croit, ajouta la louve, mais si tu refuses, je ne m’en formaliserai pas. ❖ Précisa-t-elle avec douceur, de son habituel ton calme. Elle n’avait aucune intention de le braquer. Son seul but était de lever le voile sur cette incohérence qui rongeait deux de ses amis. Et, pour cela, son seul moyen était de les accompagner dans la réflexion, pas de livrer sans ambages la parcelle de vérité qu’elle détenait sur cette nuit-là.

Pas plus qu’elle ne comptait se montrer agressive. Sladka connaissait Esfir, son tempérament fougueux et son caractère volcanique. Problème il y avait eu, sans un aucun doute, mais le fond de ce dernier ne serait accessible qu’une fois l’acide et le fiel savamment évacués. Pour quelqu’un de cartésien comme la lycane, rien ne valait les informations à la source – toutes les sources - pour embrasser la situation dans son ensemble. Quelles que soient ses amitiés … ❖ Avec moi et avec une partie de ceux que j'ai blessés. ❖ Il est vrai. Mais ça n’influera pas. ❖ Pour la bonne et simple raison qu’elle désirait faire la part des choses, elle devrait se montrer impartiale tant que tout ne serait pas éclairci.

Petit à petit, la Russe récoltait les morceaux du puzzle qui s’imbriquaient étrangement. Le désarroi de Fedor était palpable ; sa douleur, visible. Habituée à poser de nombreuses questions pour atteindre le nœud du souci, Sladka renchérit avec une nouvelle salve. ❖ La logique a décrété que je devais arrêter les frais avant de vraiment commettre l'irréparable. Et pour ta dernière question ... Joker ? Rien ne sert de s'étaler, le tableau est assez infect comme ça. Quant au "depuis quand", j'ai perdu la notion du temps. Si c'est pas une commotion, j'ai sans doute une insolation ! ❖ Tant qu’on est dans l’objectivité, es-tu sûr que tu en as encore vis-à-vis de toi-même ? ❖ Souligna-t-elle tandis que Fedor mettait un point d’honneur à se descendre plus bas que terre lui-même. ❖ C’est ta logique qui a décrété cela. C’est ta perception des choses qui rend le tableau infect. Biaiser ne marche qu’un temps. As-tu vraiment envie d’éviter les questions et les réponses indéfiniment tout en souhaitant repartir du bon pied ?, questionna la demoiselle, jugeant les deux comportements incompatibles. Soyons francs. Qu’Esfir soit dans l’équation ne m’empêchera pas de refuser de te voir couler tout seul. ❖ Conclut-elle. Lui mettre une gifle pour le secouer aurait probablement été la réaction de Sladka si son comportement calme et son perpétuel contrôle de sa force ne lui avaient pas conféré une nature différente. Les mots, toutefois, pouvaient se parer d’un impact semblable et prononcer le nom d’Esfir risquait de s’y apparenter.

Alors, quid ? Que voulait-il réellement ? Qu’était-il prêt à faire pour l’obtenir et repartir sur des bases plus saines que ces imbroglios à répétition ? ❖ Avec pertes et fracas. Tu oublies à qui tu parles. ❖ Non, c’est toi qui oublies de qui je parle. ❖ Rétorqua Sladka avec aplomb mais sans agressivité. Fedor semblait croire qu’un faux pas effaçait toute une vie, toute une conduite, toute une éthique … Il en faudrait nettement plus pour convaincre la sixième année que le Fedor qu’elle connaissait n’était qu’un mirage dont elle seule se souvenait présentement. ❖ Réfléchir, ça ne me réussit pas ces derniers temps. Ni agir, d'ailleurs. Et puis, ce que je peux bien vouloir on s'en fiche pas mal. ❖ Je ne m’en fiche pas, contra-t-elle, et te sens-tu vraiment mieux depuis que tu as mis tes cogitations en pause ? Sincèrement. ❖ Il avait l’air plus anéanti qu’apaisé. ❖ L'Amour et ses utopies, ça fait plus de mal que de bien. Ma mère va être déçue, j'lui avais dit que j'pensais avoir rencontré la bonne, mais ... Mais j'suis pas fait pour ça, c'est tout. ❖ Pas fait pour ça pourquoi ? Il n’est écrit nulle part que c’est voué à l’échec. ❖ Elle était bien en peine de défendre les valeurs du couple, de l’amour avec un grand A et autres chapelets de bons sentiments alors qu’elle-même se savait exclue de ce genre de choses, « pas faite pour ça ». ❖ Tu sais … la peur de l’erreur mène fréquemment à l’erreur elle-même. Le meilleur moyen de la combattre est de la nommer, pas de la fuir. ❖ Et elle parlait en connaissance de cause …

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